Françoise Loiselet
"...Ce que je sais, c’est que cette technique me parlait depuis longtemps, dans un coin peu fréquenté de ma tête... Je suis moi-même surprise de ce que je réussis à faire..."
Ce que je sais, c’est que cette technique me parlait depuis longtemps, dans un coin peu fréquenté de ma tête. Mais je ne sais pas pourquoi, en 2020, j’ai proposé à ma nièce de lui fabriquer un mobile qui irait dans sa grande pièce, très haute, pour voir. Je suis moi-même surprise de ce que je réussis à faire.
J’adore cette technique. La matière première ne coûte presque rien. J’utilise principalement le papier de Ouest-France et du Télégramme. Si j’ai un problème d’approvisionnement, je vais chez ma voisine, qui garde tous les numéros. Parfois, pour des usages spécifiques, j’utilise le papier plus épais du Canard Enchaîné. Je le reçois toutes les semaines, mon fils m’offre l’abonnement. J’en ai eu l’usage pour la jupette de Stéphanie, une très grande pieuvre, par exemple. Le Monde a récemment changé de papier. Je le lis beaucoup, mais je l’utilise peu. Il est un peu raide. Ma belle-sœur m’a demandé ce que donnait Le Figaro. Je ne sais pas, il faudrait que je teste. Mais comme je ne le lis pas… Du papier journal, donc, et de la colle à tapisserie.
Si je foire une partie, je découpe l’erreur au cutter, je refais, je recolle. Avec cette technique je ne suis pas tétanisée par la trouille de me rater. C’est un peu magique.
Je bidouille à partir du printemps, quand ça sèche bien dans ma véranda. Avec trois fois rien, je fabrique des trucs qui sont costauds et légers.
Là aussi, je me documente beaucoup. Je regarde des photos, des vidéos, des dessins d’artistes . Comme je ne suis pas peintre, je travaille en imitation. Je détaille tout. Le nombre d’heures que j’ai passées à observer comment sont fichues les rayures d’une rascasse….
Je compte faire du papier mâché jusqu’à la fin de mes jours. Je n’aurai jamais le temps de faire le tour du bestiaire marin.
Crédit Photo - Mélanie Coat
Stéphanie la pieuvre
Comme Stéphanie fait un bon mètre cinquante d’envergure, j’ai du utiliser de la structure grillagée pour mettre ses tentacules en forme. Je voulais qu’elle ait l’air de bouger. Sa famille d’accueil préférait que je lui donne un air tendre, plutôt que menaçant. J’ai passé des heures à mouler les ventouses une par une. Pour ma prochaine pieuvre, je les ferai encore plus volumineuses et resserrées. Depuis cette année, je donne à mes créations le prénom qui me vient, je ne sais d’où - Réalisation été 2023.
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
Le poisson diodon
Il est l’un des huit éléments d’un très grand mobile. Je l’ai copié sur un vrai diodon naturalisé, mais je me suis débrouillée pour lui faire un air plus intelligent. Sa forme n’est pas exactement ronde. C’est une sorte de boule aplatie. Alors j’ai fait une pâte à tarte, sur laquelle je l’ai moulé. Ensuite, j’ai réalisé que j’aurais pu réfléchir un peu, et économiser une plaquette de beurre. Ma pâte s’en serait très bien passée… Il m’a fallu du temps pour trouver le bon matériau pour ses piquants. C’est mon frère qui a trouvé : les feuilles toutes jeunes d’un palmier. Elles sont incroyablement solides, avec exactement la bonne forme, et piquent comme des épées.
Réalisation Printemps 2020.
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
Le poisson lanterne
Un autre des éléments du mobile. Les poissons très profonds sont courtauds, de constitution. Je l’ai élégantifié en lui mettant des nageoires et des antennes. J’adore cette bestiole des profondeurs, qui est équipée de sa propre source de lumière. C’est quand même fortiche, comme concept, non ? Je ferai le prochain plus en volume, je crois.
Réalisation Printemps 2020.
Crédit Photo - Mélanie Coat
Le Homard
Je crois que je l’ai fabriqué en 62 pièces détachées. En tous les cas, c’est l’ordre de grandeur. J’ai un peu exagéré la taille de ses pinces, exprès. C’est ce qui lui donne de la gueule. Pour les antennes, j’ai fait plusieurs essais. Ce sont de vrais antennes, rallongées avec du papier. Mes frères sont de très bons pêcheurs de homards. Je ne dirai pas comment je récupère les antennes, c’est mon secret. Je précise quand même que je ne les prélève pas sur un homard vivant. Trop cruel.
Il y a des gens qui croient que c’est un homard naturalisé… Une canadienne s’est étonnée qu’il soit bleu. Elle ne connaît que les homards américains pâlichons. Et moi, j’ai passé des heures à scanner du Mathurin Méheut.
Réalisation Printemps 2022.
Crédit Photo - Mélanie Coat
Jonathan, le dragon des mers feuillu
Cette bestiole existe vraiment, mais uniquement en Australie méridionale. Ses appendices ont pour seule fonction de le camoufler dans les goémons. Jonathan est donc un spécimen adapté aux algues vertes de nos contrées. Dedans, il y a des miettes de billets de banque, principalement du 50 F et du 100 F. J’étais l’heureuse propriétaire d’une brique réalisée par compactage de billets détruits, à l’époque du passage à l’euro. Au final, c’est une matière première assez médiocre, qui sèche très lentement. Mais Jonathan peut s’enorgueillir d’être bourré de billets de banque…
Réalisation été 2023.
Crédit Photo - Françoise Loiselet
La sirène
Elle est un élément du mobile. Je me suis inspirée de Naïg, la sirène fétiche de Toulhoat. Je vénère cet artiste touche à tout. Il se trouve que les cheveux verts que je lui ai faits ont l’exacte apparence du goémon vert. C’est une sorte de miracle. Ma belle-sœur a insisté pour que je lui mette un piercing. C’est pourquoi je lui ai ajouté un soutien-gorge. Pour la correction de sa tenue.
Réalisation Printemps 2020.
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
La sirène (montée sur un bougeoir)
J’étais embêtée pour faire ses mains. J’ai coupé celles d’une poupée toute abîmée, ça fait impeccablement le job. Dans une brocante, j’ai repéré une très grande poupée, qui doit être en vente depuis des lustres. On ne peut même plus lire son prix sur l’étiquette. Elle a une particularité : des mains « articulées ». Elles sont reliées aux bras par un fil élastique. Il suffirait de le couper pour récupérer les mains. Elles sont très belles. Si je les avais, je ferais une sirène de très grande taille, qui serait extrêmement chic. Si quelqu’un pouvait les subtiliser à ma place….
Réalisation Printemps 2021
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
Le monsieur sirène
Encore un élément du mobile. J’aime son air plus nostalgique que crétin. J’ai volé des graviers chez mon voisin pour faire ses dents . Dedans, il y a du Télégramme chiffonné, et c’est tout. Son côté punk est très inspiré par Samir, un ami qui se décore de tatouages et de bracelets piquants. Mon petit-neveu, qui est très cultivé, appelle mon monsieur-sirène Poséidon.
Réalisation Printemps 2020
Crédit Photo - Françoise Loiselet
La petite pieuvre verte
Je l’ai fabriquée pour participer à un petit marché local d’artisans. Personne ne l’a achetée. Personne ne l’a même regardée. Ca m’a déçue, déçue…
Réalisation Printemps 2021
Crédit Photo - Françoise Loiselet
La petite pieuvre orange
Comme la verte, personne ne l’a regardée au marché où elle était exposée. Mais au moins, je progresse dans la technique de fabrication des pieuvres. Désormais, je fais les ventouses en volume, c’est beaucoup mieux.
Réalisation Printemps 2021
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
La rascasse
Un autre élément du mobile. Voilà un poisson qui porte une voilure spectaculaire. J’ai utilisé des plumes pour la réaliser. Ca marche très bien . J’ai passé des heures à étudier l’agencement de ses rayures, avant d’oser la peindre. Chez cette bestiole, j’aime l’association de l’élégance merveilleuse de sa voilure avec l’ingratitude de sa bouche lippue et de ses gros yeux.
Réalisation Printemps 2020
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
La pieuvre
Un autre élément du mobile, et ma première pieuvre. Elle est la reproduction d’une miniature en plastique. Les tentacules sont enroulés de la même façon. Je ne me sentais pas encore capable de décoller de mon modèle. Maintenant que j’ai une dizaine de pieuvres à mon actif, j’ai appris à me lâcher. Pour les petites tailles, le fil de fer gainé, qu’on utilise pour attacher les plantes, suffit à mettre les tentacules en forme. Pour ses ventouses, j’ai découpé des pailles en carton en petits tronçons. Je les ai collées une par une.
Réalisation Printemps 2020
Crédit Photo - Françoise Loiselet
La petite pieuvre violette
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
Le bernard l’hermite
Un autre élément du mobile. Je n’ai encore que peu exploré l’univers des coquillages. Leur formes m’inspirent beaucoup. Voilà une première expérience. Dans la coquille, j’ai inséré une vraie carcasse de homard, vestige d’un très bon ragoût réalisé par ma belle-sœur. Ca donne une belle allure crustacée à mon bernard l’hermite, je trouve.
Réalisation Printemps 2020
Crédit Photo - Françoise Loiselet
Le gros coquillage
Voilà une autre expérience dans l’univers des coquillages. Je n’en suis pas très satisfaite. Leur forme résulte d’enroulements en spirale, que je n’arrive pas encore à faire ressortir. La beauté des coquillages est régie par des lois mathématiques très précises. J’aimerais que mes réalisations s’y conforment, et que ça se voie. Je compte bien y travailler.
Réalisation Printemps 2021
Crédit Photo - Mélanie Coat
Herma, la sirène queer
Mon petit neveu : « elle est marrante, ta sirène. On ne sait pas si c’est un monsieur ou une dame ». Je voulais une sirène queer. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien. J’ai réussi. Mon frère l’a baptisée Herma, comme hermaphrodite. Il lui a spécialement percé un gros caillou, pour y planter sa tige, avec une brenique collée dessus. Je suis particulièrement contente de sa coiffure. Je n’ai trouvé son chignon en ficelle teinte qu’après de multiples essais . Elle fait peur, des fois. Ca m’enchante.
Réalisation Printemps 2023
Crédit Photo - Françoise Loiselet
Le mobile de pieuvres
Je l’ai fait pour ma petite-fille, qui s’appelle Eloane. Secrètement, j’espère réussir à lui faire partager mon émerveillement pour l’univers sous-marin. Je trouve qu’il nous montre immédiatement que nous ne sommes que des créatures parmi d’autres, et pas les plus élaborées. J’espère qu’elle rencontrera une baleine, dans sa vie. Une baleine nous remet à notre place humaine, un peu minable. Je voudrais que ma douce petite Eloane le ressente.
Réalisation Printemps 2022
Crédit Photo - Mélanie Coat
Le dragon des mers feuillu & moi
J’ai une écharpe assortie à mon Jonathan. On n’a pas l’air de bien s’entendre, tous les deux ?
Crédit Photo - Sacha Moscatelli
La méduse
Question papier mâché, elle n’est pas compliquée à réaliser. Question hardes et splendeurs qu’elle trimballe, je l’ai bien chargée. Une très bonne méthode de recyclage des rideaux de dentelle.
Réalisation Printemps 2020
Crédit Photo - Mélanie Coat
La rascasse n°2
J’ai mis un moment à trouver le bon matériau pour faire sa voilure. Il fallait quelque chose de translucide, pas trop fragile, et assez souple pour faire l’illusion du mouvement. Comme souvent, le hasard m’a tirée d’affaire. Je rangeais un placard, je suis tombée sur le sac en plastique parfait. J’adore laisser faire le hasard, il trouve toujours de bonnes réponses.
Réalisation Printemps 2022
Crédit Photo - Mathias Joubert
Jacques le Calmar
Jacques le calmar est en papier-journal ( le Télégramme ), avec un peu de laine dans les tentacules, du fil de fer qui sert à accrocher les plantes pour les mettre en forme, d'anciennes radios des genoux de ma fille pour les nageoires, et d’autres bidouillages.
Pour son manteau, j’ai fait du « pouring », une technique de peinture dégoulinante ultra jouissive.
Quelqu’un m’a dit que Jacques ressemble à un évêque. C’est archi faux. Ce sont les évêques qui ressemblent à des calmars.
Crédit Photo - Mélanie Coat
Françoise Loiselet est romancière et auteure de théatre. Elle travaille aussi la matière comme le papier ou le tissu...
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